Médiation : quand elle est possible… et quand elle ne l’est pas

Publié par Karine Biava
Le 17/08/2025

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Médiation : quand elle est possible… et quand elle ne l’est pas

La Médiation : Cadre Légal, Approches et Innovations Pratiques

Introduction

La médiation connaît en France une évolution majeure depuis la réforme de septembre 2025. Longtemps perçue comme une alternative marginale au système judiciaire, elle devient progressivement un mode privilégié de résolution des conflits.
Mais qu'est-ce que la médiation exactement ? Dans quels cas peut-on y recourir ? Quelles approches existent ? Comment les innovations méthodologiques s'inscrivent-elles dans le cadre légal français ?
Cet article propose une synthèse complète et pratique pour comprendre la médiation telle qu'elle se pratique aujourd'hui (en 2025) en France, en intégrant à la fois le cadre juridique général et les approches spécialisées développées par les praticiens pour répondre aux conflits les plus complexes.

NB: Cet article est à jour en 2025. Nous nous efforcerons de le maintenir à jour.

Les Fondamentaux de la Médiation

Définition et Principes

La médiation se définit comme un processus structuré par lequel plusieurs personnes tentent, avec l'aide d'un tiers neutre et impartial, de parvenir à un accord destiné à résoudre le différend qui les oppose. Cette définition simple cache une réalité riche et nuancée.

push_pinCinq principes fondamentaux caractérisent toute médiation en France. Le volontariat d'abord : les parties s'engagent librement et peuvent se retirer à tout moment, cette liberté étant absolue et ne pouvant être contrainte. L'impartialité et la neutralité ensuite : le médiateur ne prend parti pour personne, ne juge pas, et facilite le dialogue sans imposer de solution.

La confidentialité constitue le troisième pilier : tout ce qui est dit en médiation reste strictement confidentiel, sauf exceptions légales liées à la protection de l'enfance ou à l'ordre public.
L'indépendance du médiateur est également essentielle : il ne doit avoir aucun conflit d'intérêts avec les parties et doit être totalement détaché de toute pression. Enfin, la responsabilité des parties reste entière : le médiateur n'a aucun pouvoir décisionnel ni consultatif, les parties construisent elles-mêmes leur solution.

Ce que la Médiation N'est Pas

Il est crucial de distinguer la médiation d'autres pratiques. Contrairement à la thérapie qui travaille sur le passé et les causes profondes des difficultés psychologiques, la médiation se concentre sur l'avenir et la recherche de solutions concrètes au conflit présent.
Elle n'est pas non plus un jugement : le médiateur ne tranche pas, ne décide pas qui a raison ou tort, ne distribue pas de sanctions. Les parties restent maîtresses de l'issue du processus.
La médiation se distingue également de la simple négociation entre avocats : c'est un espace où les personnes concernées dialoguent directement, même si elles peuvent être assistées d'un conseil juridique.

Les Deux Grandes Catégories Juridiques

La Médiation Conventionnelle

La médiation conventionnelle constitue le cadre juridique de référence pour toute médiation volontaire en France. Régie par les articles 1530 et suivants du Code de procédure civile depuis la réforme de 2025, elle se caractérise par son caractère totalement volontaire et sa liberté d'organisation.
Les parties choisissent librement leur médiateur, déterminent la durée du processus et partagent les coûts selon leur accord. Cette médiation peut intervenir à tout moment : avant même qu'un conflit ne dégénère, pendant une procédure judiciaire, ou après un jugement pour traiter les aspects relationnels non résolus par la décision de justice.

push_pinLe processus suit généralement un cheminement structuré. Après la prise de contact avec un médiateur, les parties signent une convention de médiation qui définit les modalités pratiques, la durée estimée, les coûts et les règles de confidentialité. Des entretiens individuels puis collectifs permettent ensuite d'explorer les positions de chacun et de rechercher des solutions mutuellement acceptables.

Le processus s'achève soit par un accord écrit formalisé, soit par un constat d'échec si les parties ne parviennent pas à s'entendre.

La Médiation Judiciaire

La médiation judiciaire s'inscrit dans une dynamique différente puisqu'elle intervient dans le cadre d'une instance judiciaire en cours. Proposée ou ordonnée par le juge avec l'accord des parties, elle fait l'objet d'une réglementation spécifique aux articles 131-1 à 131-15 du Code de procédure civile.
Contrairement à la médiation conventionnelle, la durée est ici encadrée : cinq mois maximum depuis la réforme de septembre 2025, prorogeables de trois mois, ce délai courant à compter du versement de la provision au médiateur.
Cette provision, fixée par le juge et consignée au greffe, s'élève généralement autour de 5000 euros. Le médiateur est désigné par le juge ou avec son accord, à partir de la liste des médiateurs agréés par la cour d'appel.
À l'issue du processus, le médiateur informe le juge uniquement du succès ou de l'échec de la médiation, sans jamais révéler le contenu des échanges. Cette confidentialité reste absolue, constituant une garantie essentielle pour les parties.
La réforme de 2025 a introduit une innovation majeure : le juge peut désormais enjoindre les parties à rencontrer un médiateur, le refus injustifié étant sanctionné par une amende civile pouvant atteindre 10 000 euros. Cette mesure controversée traduit la volonté des pouvoirs publics d'installer une véritable culture de l'amiable dans le paysage judiciaire français.

Les Règles Déontologiques Communes

Qu'elle soit conventionnelle ou judiciaire, la médiation obéit aux mêmes exigences déontologiques. Le Code National de Déontologie du Médiateur, adopté le 5 février 2009 par la Fédération Française des Centres de Médiation et d'autres organisations professionnelles, repose sur six valeurs fondamentales : liberté, indépendance, neutralité, impartialité, confidentialité et responsabilité.

push_pinCes valeurs se traduisent par des obligations concrètes. Le médiateur doit justifier d'une formation initiale d'au moins 200 heures selon les standards de la FFCM, s'engager dans une formation continue obligatoire pour actualiser ses compétences, et participer régulièrement à des analyses de pratique.

Son indépendance l'oblige à déclarer tout lien avec les parties et à refuser, suspendre ou interrompre la médiation si cette indépendance venait à être compromise.
La confidentialité s'impose comme un secret professionnel absolu, le médiateur ne pouvant divulguer le contenu des entretiens sauf exceptions légales strictement définies. Enfin, l'assurance responsabilité civile professionnelle est obligatoire pour couvrir l'activité de médiation.

Application universelle des règles déontologiques aux différentes approches

Il est essentiel de préciser que ces exigences déontologiques s'appliquent intégralement à toutes les formes de médiation conventionnelle, quelle que soit l'approche méthodologique choisie par le médiateur.
Nous verrons les spécificités des différentes approches de médiation plus loin.

push_pinQue vous ayez recours à la médiation facilitante, transformative, humaniste, intégrative, enrichie, préventive, post-judiciaire ou sécurisée, les principes fondamentaux de volontariat, d'impartialité, de neutralité, de confidentialité, d'indépendance et de responsabilité des parties demeurent ABSOLUMENT IDENTIQUES et non négociables.

Cette uniformité déontologique garantit la protection de toutes les personnes qui font appel à la médiation, qu'il s'agisse de particuliers confrontés à des conflits familiaux, de fratries en désaccord sur une succession, de couples en difficulté, de voisins en tension, de copropriétaires en conflit, d'amis en rupture, de patients avec des professionnels de santé, ou de toute autre situation personnelle.
Elle protège également tous les professionnels : associés d'entreprise, fratries associées, couples entrepreneurs, collaborateurs en tension, professions libérales (médecins, avocats, pharmaciens, dentistes, notaires, experts-comptables), dirigeants de TPE et PME, artisans, commerçants, start-ups, ou entrepreneurs confrontés à des transmissions d'entreprise.
Le médiateur ne peut en aucun cas adapter ou assouplir ces règles déontologiques sous prétexte de la spécificité de l'approche choisie ou de la complexité du conflit traité. L'innovation méthodologique est totalement libre et encouragée, mais elle doit TOUJOURS s'exercer dans le strict respect du cadre déontologique.
Pour la médiation judiciaire, ces mêmes exigences s'appliquent avec une rigueur identique, mais s'y ajoutent des obligations supplémentaires liées au cadre judiciaire : le respect des délais fixés par le juge, l'obligation d'information du juge sur l'issue de la médiation (succès ou échec uniquement, jamais le contenu), et le respect du cadre financier défini par l'ordonnance de désignation.
La confidentialité revêt dans ce contexte une importance encore plus cruciale : même si le juge a ordonné la médiation, le médiateur ne peut en aucun cas lui révéler les échanges, positions ou propositions formulées durant le processus, garantissant ainsi la même liberté de parole que dans le cadre conventionnel.

Les Approches Méthodologiques Classiques

La Médiation Facilitante

L'approche facilitante constitue la méthode la plus répandue en France. Elle se caractérise par son pragmatisme et son objectif centré sur la résolution du problème et la recherche d'un accord concret.
Le médiateur adopte ici un rôle actif dans la facilitation des échanges. Il structure le processus en étapes claires, reformule et clarifie les positions de chacun, peut suggérer des pistes de solution tout en veillant à ne jamais décider à la place des parties.
Le processus suit généralement une progression méthodique :
♥ Entretien préalable téléphonique ou en visioconférence
♥ Entretiens individuels pour comprendre les positions
♥ Réunions collectives structurées
♥ Recherche méthodique de solutions
♥ Rédaction de l'accord
Cette approche excelle particulièrement dans les conflits à dimension négociatoire forte : litiges commerciaux, conflits de voisinage avec aspects pratiques à organiser, désaccords entre associés sur des questions de gestion, ou différends nécessitant des solutions concrètes rapidement applicables. La durée typique se situe entre trois et six mois.

La Médiation Transformative

Développée par Baruch Bush et Folger, l'approche transformative opère un changement de paradigme radical. L'accord n'est plus l'objectif principal mais devient une conséquence possible de la transformation relationnelle recherchée.
Cette méthode vise deux objectifs complémentaires. L'empowerment d'abord : renforcer l'autonomie et la capacité d'action de chaque partie, leur redonner confiance en leur capacité à gérer la situation. La reconnaissance mutuelle ensuite : développer l'ouverture au point de vue de l'autre, créer de l'empathie et de la compréhension réciproque.

push_pinLe médiateur pratique ici une non-directivité absolue, refusant de guider le processus ou d'orienter le contenu. Il accompagne les mouvements naturels de transformation, utilise des outils spécifiques comme le reflet, le résumé, les questions de vérification et le silence transformatif.

Le processus n'a pas de structure rigide imposée, s'adaptant en permanence aux besoins des parties, la durée restant indéterminée jusqu'à épuisement des mouvements de transformation.
Cette approche trouve particulièrement sa pertinence dans les conflits relationnels profonds où la relation future reste importante : conflits familiaux, tensions entre partenaires appelés à continuer de travailler ensemble, situations où le lien compte autant que le problème à résoudre.

La Médiation Humaniste

Développée en France par Jacqueline Morineau, l'approche humaniste intègre une dimension spirituelle et émotionnelle souvent négligée par les autres méthodes. Elle se structure autour de trois phases obligatoires : Théoria pour l'exposition des faits, Crisis pour l'expression des émotions, et Catharsis pour la transformation et la libération.
Cette méthode se distingue par plusieurs particularités. L'intervention se fait en équipe de médiateurs, plusieurs professionnels travaillant collectivement sur la situation. La technique du miroir constitue l'outil principal d'intervention. La dimension spirituelle prend en compte la transcendance du conflit, considérant la personne dans sa globalité corps-âme-esprit.
L'organisation requiert des séances longues de plusieurs heures, un cadre solennel avec ritualisation du processus, et une formation spécialisée à la méthode.
Cette approche excelle dans les conflits présentant une forte charge émotionnelle, les situations nécessitant une catharsis, ou les contextes où la dimension humaine et émotionnelle prime sur les aspects matériels.
Il convient toutefois de préciser qu'aucune obligation légale n'impose de suivre la méthode spécifique de Jacqueline Morineau pour pratiquer une médiation humaniste. D'autres approches humanistes restent possibles, la loi française offrant une totale liberté méthodologique.

Les Innovations Pratiques : Approches Spécialisées

Face à la complexité croissante des conflits et aux limites parfois constatées des approches classiques, certains praticiens ont développé des méthodes innovantes pour répondre aux besoins spécifiques des conflits intenses ou complexes.

Comprendre les Conflits Complexes

Avant d'aborder ces approches spécialisées, il convient de définir ce qu'est un conflit complexe ou intense. Tous les conflits ne se valent pas. Certains se résolvent par des compromis pratiques simples, d'autres vont bien au-delà et nécessitent une expertise particulière.

push_pinUn conflit devient complexe quand l'objet du désaccord semble secondaire par rapport aux émotions déclenchées, quand les tentatives de dialogue tournent en rond malgré les efforts, quand chaque échange finit en reproches ou en silence, quand la relation elle-même s'abîme progressivement.

Ces conflits sont souvent liés à des histoires anciennes, des blessures d'attachement, des loyautés invisibles qui empêchent toute résolution superficielle.
Les enjeux sous-jacents révèlent cette complexité. Les enjeux identitaires touchent à la quête de reconnaissance, la construction de soi, la défense du territoire personnel, la remise en question de sa légitimité.
Les enjeux relationnels concernent les rapports de places déséquilibrés, les modalités d'interaction dysfonctionnelles, les cercles vicieux de communication. Les enjeux cognitifs impliquent des représentations incompatibles, des valeurs divergentes, des modes de raisonnement différents.
Ces conflits génèrent un épuisement psychique, un brouillage émotionnel, une rumination obsessionnelle, et impactent la santé physique et mentale des personnes concernées. Ils ne se résolvent pas par de simples techniques de négociation ou de communication, demandant une expertise spécialisée qui traite les dimensions psychologiques, émotionnelles et systémiques.

La Médiation Intégrative

Face à cette complexité, la médiation intégrative propose de combiner les trois approches classiques selon l'évolution de la situation et les besoins identifiés. Le principe est simple : la plupart des conflits intenses combinent plusieurs dimensions qui nécessitent des outils différents. Imposer une seule méthode risque de passer à côté de ce qui se joue vraiment.
Le processus suit généralement un séquençage stratégique. Une première phase utilise la médiation humaniste pour traiter l'urgence émotionnelle et permettre l'expression des blessures.
La deuxième phase mobilise la médiation transformative pour reconstruire la communication et restaurer l'autonomie des parties. Enfin, la troisième phase recourt à la médiation facilitante pour organiser concrètement les solutions pratiques.

push_pinCette approche s'adapte à la complexité réelle du conflit, traite les causes profondes plutôt que les symptômes, évite les accords superficiels qui ne tiennent pas dans le temps, et permet une transformation durable.

Elle trouve particulièrement sa pertinence dans les conflits à forte charge émotionnelle, les situations où la relation future est importante, les conflits bloqués malgré plusieurs tentatives de résolution, ou lorsque les enjeux matériels cachent des enjeux relationnels ou identitaires.
Sur le plan juridique, la médiation intégrative relève de la médiation conventionnelle au sens des articles 1530 et suivants du Code de procédure civile. Elle est initiée par accord des parties, se déroule hors procédure judiciaire, laisse les parties choisir librement le médiateur, et permet une durée libre déterminée par les parties.
Le fait de combiner plusieurs approches est TOTALEMENT AUTORISÉ par la loi française, aucune obligation légale n'imposant l'utilisation d'une seule méthode. La liberté méthodologique reste complète tant que les principes déontologiques sont respectés.

La Médiation Enrichie

L'approche enrichie représente une innovation conceptuelle majeure : la neutralité engagée. Dans les conflits très intenses, la neutralité passive du médiateur peut être insuffisante, voire contre-productive.
Le médiateur reste impartial et ne favorise aucune partie, mais il intervient activement pour rééquilibrer quand une partie est inhibée, dépressive, ou dominée par l'intensité émotionnelle.
Le processus se caractérise par des séances préparatoires individuelles beaucoup plus nombreuses qu'en médiation classique. Le médiateur analyse les capacités d'expression de chaque participant, fournit des conseils personnalisés à chaque partie en séance individuelle, équilibre activement la participation pendant les séances communes, et intègre une expertise psychothérapeutique pour traiter les blocages émotionnels.

push_pinLes outils spécifiques incluent l'analyse des schémas répétitifs inconscients, le travail sur les mécanismes de défense, l'identification des loyautés familiales invisibles, et les techniques de régulation émotionnelle.

Cette approche trouve sa pertinence dans les situations de déséquilibre de pouvoir marqué, avec des personnes en situation de vulnérabilité psychologique, quand l'une des parties a du mal à s'exprimer, ou dans des contextes nécessitant une vigilance particulière sans pour autant relever de la violence conjugale stricto sensu.
Juridiquement, la médiation enrichie reste une médiation conventionnelle avec des modalités d'exécution particulières. Les séances individuelles préparatoires font partie intégrante du processus, et la neutralité engagée ne contrevient pas au principe d'impartialité.
Le médiateur reste neutre sur le fond mais intervient sur la forme pour faciliter l'expression équilibrée. L'intégration de l'expertise psychothérapeutique ne transforme pas la médiation en thérapie : le médiateur utilise des outils psychologiques pour faciliter le dialogue, mais l'objectif reste la résolution du conflit, pas le soin psychologique.

La Médiation Préventive

L'intervention préventive constitue souvent l'investissement le plus rentable en gestion de conflits. Intervenir dès les premiers signaux de tensions, avant même que le conflit ne s'installe définitivement, permet d'économiser des ressources considérables tout en préservant ce qui peut encore l'être.
Les signaux d'alerte justifiant une intervention préventive incluent :
♠ Les communications devenant difficiles
♠ Les malentendus récurrents
♠ Les tensions s'accumulant sans s'exprimer
♠ Les changements structurels à venir comme une réorganisation ou une succession
♠ Les moments de transition sensibles
Pour les particuliers, elle s'applique aux familles recomposées qui se forment et souhaitent définir les règles avant les conflits, aux préparations de succession pour clarifier les attentes de chacun, aux relations de voisinage présentant les premiers signes de tension, ou aux copropriétés avant une assemblée générale tendue.

push_pinPour les professionnels, elle concerne l'intégration d'un nouvel associé, les changements de gouvernance dans une entreprise familiale, les fusions d'équipes ou restructurations, ou le passage au télétravail nécessitant de nouvelles règles de communication.

Juridiquement, la médiation préventive constitue une médiation conventionnelle intervenant simplement en amont, aux premiers signaux de tension avant même qu'il y ait un conflit au sens strict. Si un accord est trouvé avant l'escalade, il a la même valeur qu'un accord de médiation classique et peut être homologué.

La Médiation Post-Judiciaire

Certaines personnes sortent d'un conflit judiciaire dans un état aussi difficile qu'avant le procès. Malgré une décision de justice rendue, les blessures restent ouvertes, la communication demeure rompue, et le sentiment d'injustice persiste.
Le judiciaire a tranché le litige mais n'a pas traité le conflit relationnel.
La médiation post-judiciaire permet de finir le travail que la justice n'a pas pu accomplir sur le plan relationnel et émotionnel. Elle combine généralement médiation humaniste pour traiter les blessures non résolues et médiation transformative pour reconstruire, quand c'est possible et souhaitable, une relation fonctionnelle.
Les accords peuvent porter sur les modalités d'exécution du jugement, les aspects relationnels non traités par le jugement, ou l'organisation pratique de la coexistence future, mais ne peuvent remettre en cause le jugement lui-même ou modifier les droits établis par le juge.
Cette médiation intervient après la fin de la procédure judiciaire, le juge n'étant plus impliqué, constituant un nouveau processus volontaire relevant de la médiation conventionnelle.

La Médiation Sécurisée

Face au harcèlement, à la violence ou à l'agressivité dans des situations personnelles ou professionnelles, la médiation peut parfois permettre de sortir de l'isolement, mais le cadre juridique est ici très strict.
Le principe absolu reste que la médiation est STRICTEMENT INTERDITE en cas de violences conjugales, conformément à la loi du 30 juillet 2020.
La médiation sécurisée intervient donc dans des contextes différents : harcèlement au travail entre collègues ou entre patron et employé, harcèlement de voisinage, relations professionnelles agressives, ou situations d'agressivité sans violence physique conjugale.

push_pinCes contextes exigent des protocoles de sécurité obligatoires : évaluation préalable du déséquilibre de pouvoir, séances individuelles préparatoires longues, possibilité d'interrompre à tout moment, présence éventuelle de deux médiateurs, et règles de communication très strictes.

Le médiateur assume une responsabilité particulière : s'il détecte une situation de violence conjugale ou d'emprise, il doit impérativement refuser ou interrompre la médiation.
Juridiquement, il s'agit d'une médiation conventionnelle avec protocole de sécurité renforcé, autorisée si ce n'est pas un contexte de violences conjugales ou familiales avec emprise, mais strictement interdite si de telles violences sont alléguées ou si une emprise est manifeste.

Domaines d'Application et Restrictions

Conflits Autorisés

La médiation trouve sa place dans de nombreux domaines de conflits personnels et professionnels. Pour les particuliers, elle s'applique aux conflits familiaux incluant fratries et successions, couples en difficulté, familles recomposées, parents séparés en haute conflictualité sauf présence de violences, conflits intergénérationnels, ou très vieilles histoires familiales nécessitant une approche humaniste ou intégrative.
Les conflits de voisinage acceptent tous les types de médiation, la préventive étant idéale avant l'escalade, l'intégrative répondant aux aspects multiples des tensions de copropriété, et la sécurisée avec protocole strict intervenant en cas de harcèlement.
Les ruptures d'amitié bénéficient de la médiation transformative pour la reconstruction des liens ou de l'humaniste pour les blessures profondes liées aux trahisons.
Les conflits avec professionnels de santé peuvent faire l'objet de médiation enrichie pour gérer l'asymétrie patient-médecin ou patient-soignant libéral, concernant l'organisation des soins mais excluant la responsabilité civile qui relève des tribunaux.
Pour les professionnels, la médiation s'applique aux conflits d'associés d'entreprise avec l'approche intégrative pour les enjeux multiples, aux fratries associées nécessitant l'enrichie pour la dimension familiale, ou aux couples entrepreneurs avec l'enrichie pour l'intrication vie professionnelle et personnelle.
Les conflits en équipe concernent les tensions entre collaborateurs relevant de la préventive ou intégrative, les conflits hiérarchiques nécessitant l'enrichie pour l'asymétrie, ou le harcèlement au travail exigeant la sécurisée avec protocole strict.

push_pinLes professions libérales peuvent recourir à la médiation pour leurs conflits internes, qu'il s'agisse de médecins en SCM, d'avocats entre confrères, de pharmaciens, dentistes, notaires ou experts-comptables.

Les petites structures comme les TPE, PME, artisans, commerçants ou start-ups trouvent dans la médiation préventive un outil particulièrement adapté à leurs contraintes.
Les transmissions et successions d'entreprise bénéficient de l'humaniste pour accompagner le lâcher-prise des entrepreneurs de cinquante à soixante-dix ans, de l'intégrative pour la complexité des transmissions familiales, ou de l'enrichie pour gérer les émotions des héritiers d'entreprise.

Interdictions Absolues

Certains domaines restent strictement interdits à la médiation. Les violences conjugales et familiales constituent l'interdiction la plus absolue. La médiation pénale est impossible pour toute violence conjugale, la médiation familiale est interdite si des violences sont alléguées ou si une emprise est manifeste.
Cette interdiction, fondée sur la loi du 30 juillet 2020, vise à protéger les victimes et à éviter tout déséquilibre de pouvoir dans le processus.
La matière criminelle exclut totalement la médiation. Seules les contraventions et délits simples peuvent faire l'objet de médiation pénale, les crimes relevant exclusivement de la justice pénale classique.
Les questions d'ordre public échappent également à la médiation : tout sujet ne relevant pas de la libre disposition des parties, comme l'état des personnes, la filiation, la nationalité, ou le principe du divorce ne peuvent être médiés, même si les conséquences pratiques peuvent l'être.
Pour les professions réglementées, les questions de responsabilité professionnelle et de déontologie ne peuvent être médiées. Elles relèvent respectivement des tribunaux et des instances ordinales. Seuls les aspects commerciaux comme les honoraires peuvent faire l'objet de médiation de la consommation.

Les Accords de Médiation

Validité et Forme

Contrairement aux idées reçues, l'accord de médiation peut être oral, bien que l'écrit soit fortement recommandé pour la sécurité juridique. Les parties déterminent librement le contenu de l'accord, sous réserve du respect de l'ordre public et des droits de chacun. Même sans homologation, l'accord a valeur contractuelle entre les parties.

Trois Voies pour la Force Exécutoire

L'homologation judiciaire classique constitue la première voie. Les parties présentent une requête au juge qui aurait été compétent pour connaître du litige. Le juge vérifie le respect de l'ordre public et des droits de chaque partie dans un contrôle limité, sans rejuger le fond.
L'accord homologué acquiert la force exécutoire d'un jugement, permettant l'exécution forcée en cas de non-respect. Cette voie offre une sécurité juridique maximale et une force exécutoire immédiate, mais implique un retour dans le circuit judiciaire, une perte partielle de confidentialité puisque l'accord devient public, et des coûts et délais supplémentaires.

push_pinLe contreseing avocat, instauré depuis 2016 par l'article 1542-4 du Code de procédure civile, offre une alternative. Chaque partie doit avoir son propre avocat qui contresigne l'accord, puis le greffe appose la formule exécutoire. Cette procédure permet d'obtenir la force exécutoire sans passer devant le juge, de manière rapide et simplifiée, mais nécessite que chaque partie ait un avocat, impliquant un coût supplémentaire.

L'exécution volontaire représente la troisième voie. L'accord conserve sa valeur contractuelle même sans homologation, les parties s'engageant à l'exécuter de bonne foi. Cette solution préserve la confidentialité totale, évite tout coût et délai supplémentaire, et offre une souplesse maximale.
Sa limite réside dans l'absence d'exécution forcée directe possible : en cas de non-respect, il faudrait saisir le juge pour faire exécuter comme tout contrat. En pratique, beaucoup d'accords de médiation s'exécutent spontanément sans homologation, la bonne foi suffisant généralement, particulièrement dans les médiations intenses où l'accord a été profondément travaillé et approprié par les parties.

Convention de Médiation

Pour toutes les médiations, qu'elles soient intégrative, enrichie, préventive, post-judiciaire ou sécurisée, une convention de médiation écrite est obligatoire. Cette convention doit identifier les parties et le médiateur, préciser l'objet du conflit même si celui-ci est large, détailler les modalités pratiques incluant la durée prévue, le rythme des séances et le lieu ou la visioconférence.
L'approche méthodologique utilisée doit être explicitement mentionnée. Pour la médiation intégrative, préciser qu'il s'agit d'une combinaison d'approches. Pour l'enrichie, indiquer la présence de nombreuses séances individuelles et la neutralité engagée. Pour la préventive, mentionner l'intervention précoce. Pour la sécurisée, détailler le protocole de sécurité.
Les honoraires doivent être clairement établis, qu'il s'agisse d'un montant horaire ou d'un forfait, avec les modalités de paiement et le partage entre les parties, généralement cinquante-cinquante sauf accord contraire.
Les règles de confidentialité, la possibilité de se retirer à tout moment, et la référence au Code de Déontologie du médiateur complètent les mentions obligatoires.

Évolutions et Parcours Possibles

La loi française autorise et même recommande l'évolution d'une approche à l'autre selon les besoins. Une médiation classique peut évoluer vers une médiation enrichie en cours de processus si le médiateur détecte un déséquilibre nécessitant des séances individuelles supplémentaires, avec l'accord des deux parties et un avenant à la convention.
Une médiation préventive peut se transformer en médiation curative si le conflit s'aggrave malgré l'intervention préventive, le même médiateur pouvant continuer avec une nouvelle convention ou un avenant.

push_pinLa médiation intégrative permet au médiateur d'adapter son approche en temps réel, passant de facilitant à transformatif selon les besoins identifiés, sans nécessiter d'avenant puisque cette flexibilité est prévue dans la définition même de l'approche intégrative.

Ces évolutions témoignent de la souplesse du cadre français de la médiation, permettant aux praticiens d'ajuster leur intervention aux besoins réels des parties tout en respectant les principes déontologiques fondamentaux.

La Visioconférence en Médiation

La réforme de 2025 a confirmé la pleine légalité de la médiation en visioconférence. Les médiations réalisées à distance ont la même valeur juridique que celles en présentiel, les accords conservent la même force juridique, et la confidentialité est préservée moyennant l'obligation pour chaque partie de se trouver dans un lieu sécurisé.
Pour les conflits intenses, la visioconférence offre des avantages spécifiques :
♣ Sécurité émotionnelle accrue car chacun reste chez soi
♣ Flexibilité des horaires facilitant l'organisation
♣ Possibilité d'interrompre plus facilement si l'intensité devient trop forte
♣ Accessibilité géographique élargie
Les obligations spécifiques incluent la vérification de l'identité des participants, l'assurance que chacun est seul et au calme pendant les séances, une connexion sécurisée, et l'interdiction absolue d'enregistrement sauf accord écrit explicite de toutes les parties.

Conclusion

La médiation en France bénéficie aujourd'hui d'un cadre juridique à la fois structuré et souple, permettant aux praticiens d'innover tout en respectant les principes déontologiques fondamentaux. La réforme de septembre 2025 a renforcé la place de la médiation dans le système judiciaire, la faisant passer d'une alternative marginale à une voie privilégiée de résolution des conflits.
Les approches spécialisées développées par les praticiens pour répondre aux conflits complexes et intenses s'inscrivent pleinement dans ce cadre légal. La médiation intégrative combinant plusieurs méthodes, la médiation enrichie avec sa neutralité engagée, la médiation préventive intervenant en amont, la médiation post-judiciaire réparant ce que la justice n'a pas traité, et la médiation sécurisée pour les contextes délicats constituent autant d'innovations méthodologiques légitimes et autorisées.

push_pinLa liberté méthodologique demeure totale tant que les principes fondamentaux sont respectés : consentement libre, impartialité, neutralité, confidentialité, indépendance et responsabilité. Les interdictions absolues concernant les violences conjugales et familiales, les crimes, et l'ordre public protègent les personnes vulnérables et maintiennent la cohérence du système juridique.

Les accords issus de ces médiations conservent la même valeur juridique que tout accord de médiation conventionnelle, pouvant accéder à la force exécutoire par trois voies différentes selon les besoins des parties. L'innovation méthodologique n'est pas seulement autorisée mais encouragée, dès lors qu'elle respecte le cadre déontologique et répond aux besoins réels des personnes en conflit.
Cette évolution témoigne d'une justice plus humaine, plaçant les personnes au centre du processus de résolution des conflits, leur permettant de redevenir actrices de leur solution plutôt que spectatrices d'un jugement imposé.
Dans un monde judiciaire souvent vécu comme lent, coûteux et impersonnel, la médiation et ses innovations méthodologiques représentent un espace de liberté, de créativité et d'humanité au service de la paix sociale.

Karine BIAVA - RESOVCO (2025)
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